Le 3 mai 2021, l’hebdomadaire Actualités sociales hebdomadaires (ASH) a publié sur son site un article au titre quelque peu ambigu : « Elus bénévoles : un besoin de professionnalisation ». Qui sont ces élus ? Probablement des hommes puisque le masculin est privilégié, qui siégeraient dans les conseils d’administration des associations du secteur social, médico-social et sanitaire. « La montée en compétences de leurs administrateurs » serait attendue par les directions générales des associations, dans un contexte que l’on pourrait qualifier de paradoxal, caractérisé par « une tendance des conseils d’administration à vouloir reprendre du pouvoir dans des structures jusqu’alors dominées par les directions salariées ». Après avoir dessiné une typologie de l’administrateur (qui peut être un gestionnaire, un militant ou un technicien), il est affirmé avec force que « pouvoir compter sur des administrateurs rompus aux enjeux financiers comme stratégiques compte en effet parmi les impératifs ». L’administrateur gestionnaire apparaît particulièrement recherché, avec de nouvelles opportunités, comme par exemple, le recours au bénévolat de compétences qui permet de « recruter des profils extérieurs correspondant aux attentes ». Emerge ainsi un « bénévolat de gouvernance », avec, est-il précisé, des profils de « nouveaux » administrateurs qui « reflètent aussi les fonctions classiques de monde de l’entreprise : ressources humaines, comptables, experts immobiliers… ». Ce recours à des compétences entrepreneuriales ou managériales n’empêche pas la nécessité d’une formation, « ne serait-ce que pour bien saisir le sens et les valeurs portés par les associations ». Elle permettrait de sortir ces néophytes « de leur domaine d’expertise pour avoir une vision transversale et éviter toute déconnexion avec le terrain ».
Cet article ne manquera pas d’intéresser les administratrices et administrateurs qui siègent au bureau et au conseil d’administration de l’association, toutes et tous élu.e.s lors de l’assemblée générale qui se réunit chaque année en juin. Quelles sont les compétences mobilisées dans ces instances ? Le recours au terme « compétence » pourrait d’ailleurs faire débat car ce sont des compétences académiques et scolaires, donc des savoirs, qui semblent privilégiées quand il est fait référence à leur expertise. Or, dans le champ professionnel qui nous intéresse, d’autres savoirs sont mobilisés, ce que n’ignorent pas les membres du bureau et du conseil d’administration, en particulier des savoir-faire qu’il convient de valoriser. Mais qu’attend-on de ces élu.e.s ? Qu’attendent-ils de leur engagement associatif ? Dans certaines entreprises, l’engagement associatif est aujourd’hui promu et reconnu. Comme le souligne le compte-rendu d’un récent colloque (2019, « les pratiques d’engagement associatif sont aujourd’hui de plus en plus formalisées dans un parcours proche de l’insertion professionnelle qui, en mobilisant un registre managérial, vise à mettre en valeur et à développer d’abord les fonctions gestionnaires et administratives au sein des associations ». Et d’ajouter, « dans cette individualisation de l’implication associative, les compétences des bénévoles sont conçues comme des attributs individuels, et l’association n’est plus un espace de construction des identités collectives et d’innovation sociale et économique ». Ce qui interroge la dynamique associative et la capacité à porter un projet politique qui puisse être à la fois pérenne et sans cesse renouvelé, ainsi que les compétences nécessaires à ce renouvellement. Pour ne pas s’enfermer dans une approche exclusivement gestionnaire, une association d’action sociale doit faire vivre les dimensions solidaire et démocratique à travers des expérimentations qui permettent d’introduire de nouveaux modes de pensée. En y associant des salarié.e.s comme le fait l’AVVEJ depuis 40 ans et des personnes accueillies ou leurs représentants. Le renouvellement associatif passera par une diversification des compétences.
Didier Bertrand, membre associé