« Le troc, c’est glop »
Le Sessad de l’AVVEJ a lancé une série de séances auprès des jeunes autour de l’engagement écologique. Il s’agissait de savoir comment s’engager. En effet, comment perçoivent-ils les enjeux environnementaux et comment développer une conscience citoyenne, sociale et écologique ? L’un des moyens privilégiés a été le troc. Pourquoi acheter des objets neufs contre une somme d’argent souvent importante, en exploitant des ressources de la planète, plutôt que d’obtenir l’objet légèrement usité en l’échangeant contre ce qui ne nous sert plus ? Fallait-il encore connaitre l’histoire du troc. Nous avons commencé par des remue-méninges !
Les jeunes ont déjà échangé des baskets trop petites, des jeux vidéo, des livres ou des cartes. En effet, ils n’ont pas toujours l’argent nécessaire pour acheter de nouveaux biens. Ils ont très vite souligné la question de l’échange juste ou encore des « échangeurs » sans scrupules -heureusement rares- qui échangent des choses cassées. Leurs recherches ont porté sur les origines du troc et ont été l’occasion de faire un rappel historique et géographique des différents modes d’échanges entre les peuples. Les cueilleurs échangeaient par exemple des fruits contre du gibier auprès des chasseurs. Ils ont ainsi pu repérer qu’il faut un besoin pour échanger et aussi de la confiance, indispensable à l’échange.
Ce fut l’occasion de parler de la valeur des choses. Comment en effet pouvoir faire équivaloir des fruits avec de la volaille ? Progressivement, nous avons pu évoquer et comprendre avec eux comment les Hommes ont inventé la première monnaie d’échange, les « Cauris », qui sert toujours aujourd’hui à faire des colliers : « Oui au pays, on fabrique des colliers avec des Cauris », explique un jeune. Ensuite à l’aide d’une carte nous avons pu situer l’époque et le lieu des premières pièces qui sont, dans un second temps, devenues monnaie d’échange.
Les jeunes ont découvert que le troc avait été, hélas, un moyen pour léser les populations indiennes et africaines pendant les périodes précoloniales. Ils ont découvert aussi qu’il pouvait y avoir des règles au troc par l’intermédiaire d’une institutionnalisation de l’échange, avec la présentation des circuits maritimes légendaires, dont la Route de la soie. Nous avons évoqué notre ère moderne avec les sites internet, qui permettent d’échanger de façon juste des biens ou des services comme un appartement ou un service, ce qui a particulièrement surpris les jeunes. De même, il existe des systèmes d’échanges locaux à travers toute la France que nous avons pu leur montrer. Certains jeunes ne se sont pas inscrits dans les recherches d’information sur le troc et ont préféré faire une création musicale intitulée « Le rap du troc », occasion de mettre des mots par écrit autour du troc. Un autre a saisi l’occasion de cet atelier pour produire des slams.
Une exposition des recherches et une animation troc a été réalisée, auxquelles tous les parents et jeunes du SESSAD ont été invités pour venir échanger des objets. Nous avions nous-mêmes installé des objets de différentes natures. Pour échanger, on pouvait troquer un objet ou un bien, produire un dessin, un poème, un chant etc. Plusieurs jeunes ont saisi cet espace créatif pour y inscrire un peu de leur subjectivité. La règle d’or : que la production soit personnelle. Cet atelier a permis aussi de travailler avec certains jeunes la question de la loi, d’aller chercher les informations, comprendre ce que veut dire droit d’auteur, l’écriture et bien d’autre thèmes.
Cela fut l’occasion de rappeler que la règle de l’échange valait pour tous s’ils souhaitaient acquérir un objet. C’était passionnant d’ouvrir des portes, de parler société et de citoyenneté, de traiter de sujets qui relient principe de plaisir et principe de réalité.
Cette journée troc a facilité les rencontres et les échanges, mais aussi de nombreux apprentissages et acquisition de savoirs tout en renforçant les liens avec le SESSAD. Cette mise en situation a permis de prendre réellement conscience des enjeux de ce moyen pour consommer mieux et autrement, en limitant son impact sur l’environnement. Un moment festif avec des musiciens a ponctué cette journée joyeuse et animée après une longue période de confinement.
L’équipe du SESSAD
Rap du troc à 3 voix
Je vais te parler du troc
Désolé si je te fais un choc
J’échange à bloc avec mon coloc
Comme ça je pourrais manger du haddock
Poto, j’ai du médoc
Il est solide comme un roc
Le troc c’est l’électrochoc
Et je fais de la provoc
Je suis concentré pour faire du rap…
A bloc. Bloc. Bloc. Bloc.
Troc. Troc. Troc.
Khalil Farida Virginie, juin 2021