Le SAEMO75 est un service d’action éducative en milieu ouvert mandaté par les juges pour enfants du tribunal de Paris pour assurer la protection de mineurs dans le cadre de l’article 375 du code civil. Les professionnels de l’équipe pluridisciplinaire interviennent sur l’ensemble du territoire parisien auprès de jeunes et de leurs familles. Afin de répondre aux problématiques plus spécifiquement rencontrées auprès de familles migrantes, le SAEMO75 a mis en place une intervention en présence d’un ethopsychiatre. Isam Idris intervient depuis maintenant trois ans au SAEMO75. Une fois par trimestre, il rencontre et échange avec l’équipe afin de l’aider à appréhender et gérer au mieux les situations des familles venant d’ailleurs.
« Chaque institution est faite pour accueillir le même », regrette Isam Idris. Et d’ajouter que le secteur social ne prévoit ni budget ni formation supplémentaire pour les professionnels au contact de personnes ayant une culture, une langue, des coutumes différentes. Alors comment recevoir de manière optimale une famille dont les traditions, le modèle éducatif, le langage, sont si éloignés de celui du pays d’accueil ? Isam Idris propose à l’équipe pluridisciplinaire un espace de réflexion et d’élaboration autour des situations pour une meilleure compréhension et prise en charge des familles migrantes suivies dans le cadre de l’AEMO. Son leitmotiv : « prendre en compte l’altérité ».
L’importance de l’accueil
Brigitte Lamandé, assistante sociale au sein du service, se souvient de cas concrets pour lesquels l’intervention de l’ethnopsychiatre a été nécessaire. « On a appris que certaines femmes originaires d’Afrique refusent catégoriquement la césarienne. Les enfants nés par césarienne auront une place singulière dans la fratrie », signale-t-elle. Monsieur Idris offre ainsi aux équipes des grilles de lecture pour mieux appréhender les différentes situations. Deuil, mariage, grossesse, parentalité…Les sujets sont vastes et permettent aux travailleurs sociaux d’engranger des éléments sur les différentes cultures et ainsi être plus à l’aise avec les familles au quotidien. « Lorsqu’on arrive dans les familles pendant la cérémonie du thé par exemple, si on n’est pas invité à boire c’est qu’on n’est pas vraiment le bienvenu », ironise Brigitte Lamandé. Des connaissances qui, sur le terrain, font la différence. « Les équipes sont finalement plus compétentes que les instances décisionnaires, qui ne sont pas formés à cette approche », souligne le psychiatre. Et de rappeler l’importance de l’accueil : « si c’est mal fait, ça entraine une cascade de dysfonctionnements ! ».
Il intervient en soutien au cours de l’année auprès des salariés de l’établissement mais également dans le cadre de formations collectives, notamment pour éviter un écueil majeur : comprendre la situation « à la française ». « Dans certaines familles matrilinéaires, notamment d’Afrique, le rôle de l’oncle maternel est plus important que celui du père. C’est essentiel à savoir. Car de ce fait, c’est l’oncle qui aura la responsabilité de ses neveux et nièces, ce sera lui l’interlocuteur à privilégier », explique l’assistante sociale qui estime que « beaucoup d’institutions bénéficieraient d’avoir des interventions similaires ». On n’accueille pas un citoyen français de la même manière qu’un MNA, qu’un migrant ou qu’un exilé. Chacun a ses particularités, ses altérités, qu’il faut absolument prendre en compte pour pouvoir le soutenir et l’accompagner dans l’exercice de sa parentalité, qui mêlera nécessairement sa culture d’origine et sa vie en France. « C’est comme les impressionnistes, ce sont de petites touches qui permettent d’avoir un tableau de la situation et de la comprendre », conclut Brigitte Lamandé.