22e séminaire – 2013

Instruire, éduquer : comment s’institue le sujet dans la cité ?

Discours d’ouverture

Éducation et instruction relèvent toutes deux de la transmission, c’est à dire de ce qu’apportent ceux, qui ont déjà derrière eux une présence au monde assez longue, et qui représentent de ce fait l’humanité telle qu’elle se poursuit en prolongeant le passé, à ceux qui font leurs premières armes dans la vie, et représentent l’humanité telle qu’elle se construit pour élaborer l’avenir.

Etienne Hollier-Larousse, Président de l’AVVEJ

Introduire une telle question comporte au moins deux risques, voire deux impasses : celui détourner autour du pot sans savoir par quel bout entrer dans le sujet ; celui de rentrer dedans et de ne plus savoir comment en sortir. Une manière peut être de s’y prendre serait de conjuguer ces deux approches, c’est-à-dire d’y faire quelques incursions sans jamais trop s’y aventurer. Aucun doute également sur le fait que chacun de ces termes ait été choisi volontairement, sans pourtant forcément bien réaliser l’explosivité du cocktail que représente le fait de les articuler ensemble dans une même phrase. Car chacun des termes utilisés dans ce titre comporte en lui une énigme : qu’est-ce qu’éduquer, qu’est-ce qu’instruire, qu’est-ce qu’un sujet, de quelle cité s’agit-il, comment ça s’institue un sujet ?

Serge Raguideau, ancien Directeur général

 Des oeuvres créés par les jeunes d’Espace Ado et du SIOAE 75 étaient exposées.

180 administrateurs, professionnels en activité, anciens salariés et invités ont participé au séminaire qui avait lieu pour la seconde fois à Blainville-sur-Mer dans la Manche.

Des professionnels de l’AVVEJ ont présenté leur activité, leurs objectifs et surtout leur engagement dans ces missions d’éducation en provoquant un échange avec les participants au séminaire.

Éduquer ou instruire ?

Comparer la profession d’instituteur avec celle d’éducateur, ou vice-versa, n’est pas une première. Plusieurs chercheurs se sont livrés à ce jeu de miroirs d’autant plus tentant qu’il y a de nombreuses ambiguïtés dans la notion d’éducation et qu’il existe bien une guerre d’images entre les deux corps de métier : les uns accusant les autres d’être des amateurs, sans aucun sens de la pédagogie ; les autres accusant les premiers de ne pas avoir le sens de l’équipe, d’être prisonniers des rapports de maître à élève et d’avoir une mentalité de fonctionnaire.

Matthias Gardet, historien.

Éduquer, instruire, d’accord, mais surtout transformer

L’idée de l’enfant ou de tout autre sujet en tant qu’ « acteur » de son devenir, de son propre changement, de sa vie tout simplement, n’est en effet pas une idée sans conséquence. Elle suppose que le travail institutionnel et social, le travail spécialisé qui s’opère autour de lui, en tienne compte. Dès lors, le travailleur éducatif et social ne cherche plus à imposer sa marque, son autorité, son pouvoir et sa volonté directement, mais ne peut plus le faire qu’indirectement, c’est à dire dans un cadre artificiel qui devient dès lors celui du travail social.

Laurent Ott, philosophe

On ne naît pas élève, on le devient

Pourquoi les enfants et les adolescents sont-ils si nombreux à rencontrer des difficultés d’adaptation dans le milieu scolaire et à résister autant à entrer dans les apprentissages ? Le contexte sociétal, tout autant que l’évolution des repères anthropologiques en éducation, interroge l’école et ses finalités. Nombreux sont les jeunes qui ne possèdent pas les pré-requis éducationnels et symboliques pour soutenir un investissement scolaire. Ils s’enferment alors dans des réticences qui se structurent à la longue en radicalité oppositionnelle. Une école plus lente que les jeunes eux-mêmes à s’adapter au contexte sociétal auquel elle est censée les préparer. Une école que l’on voudrait résiliente, susceptible de soutenir la personnalisation et l’épanouissement des jeunes qu’elle accueille

Michel Defrance, Directeur d’ITEP

Partenaire régulier de Rencontre 93, la compagnie Aleph guide des séances d’improvisation au cours desquelles le comédien se met en scène en éducateur qu’il est, au prise avec des situations professionnelles qui comptent aussi leur part de jeu et de comédie. La mise en spectacle du vécu par ceux-là même qui le vivent est autant un pas de côté pour ceux qui se jouent d’eux-mêmes, et des autres acteurs « de la prise en charge », que pour le spectateur lui-même professionnel de l’éducation au prise avec une image… qui lui rappelle quelqu’un. Il n’y a plus qu’à en rire.
Les jeunes du SAU ont créé un film vidéo de 11 minutes. Ils ont inventé une histoire, avec des personnages pour lesquels ils ont fabriqué et décoré des masques et des accessoires, ainsi que des décors. Ils ont tourné et monté le film, organisé la projection du court-métrage au sein du SAU 92. L’originalité du processus est d’avoir trouvé une résolution au problème de la durée d’accueil d’un jeune en SAU mise en rapport avec celle de fabrication d’un film (plus longue), les acteurs se relayant masqués pour interpréter un même rôle, ceux qui ont écrit l’histoire ne sont pas ceux qui ont fait le montage…, l’équipe éducative constituée d’un éducateur de l’internat, d’un éducateur scolaire et d’une stagiaire, assurant la continuité et l’aboutissement du projet.
« Le procès » est un film de reconstitution, produit par l’établissement et l’APCEJ (Association pour la Promotion de la Citoyenneté des Enfants et des Jeunes) : des jeunes accueillis dans l’établissement incarnent l’accusé, l’avocat, le procureur ou les témoins. Ils disent un texte constitué des mots qui ont été réellement énoncés. Le film a été tourné en décor réel au tribunal de Bobigny, procès présidé par un juge professionnel dans son propre rôle.

Question de langage

En tant qu’orthophoniste, je vais commencer par vous présenter rapidement les principaux troubles spécifiques que l’on observe chez l’enfant en orthophonie, et leurs incidences sur la scolarité, ensuite je vous parlerai plus concrètement de mon travail à l’AVVEJ, et enfin, je terminerai par la présentation d’un enfant dont je m’occupe actuellement.

Hélène Moreau, orthophoniste SIOAE 75

L’envie d’apprendre, causes et effets de l’échec scolaire

Dans la seconde enfance, la scolarisation impose les apprentissages de la lecture, de l’écriture, du calcul, et de la logique rationnelle. Cette étape cruciale suppose la mobilisation d’une énergie psychique, plus ou moins grande selon ses capacités intellectuelles, de façon à ce que le début des apprentissages scolaires se fasse avec succès. L’enfant qui réussit, obtient des gratifications personnelles narcissiques, par rapport à ses aspirations. Dans un tel contexte, l’enfant se désintéresse de l’écrit, et il commence à ressentir un certain dégoût pour l’école. Son désir d’apprendre s’étiole. Mais, qu’en est-il de ce désir d’apprendre et de ces avatars, lors de la scolarité ?

Hervé Benhamou, psychiatre SIOAE 75

Le dossier 332

Peut-on écrire son autobiographie avec les mots des autres ? Raconter une enfance à travers le discours des assistantes sociales ? Suivre la croissance d’un corps sur des tickets de caisse consignés sous la catégorie « Vêture »? Noëlle Pujol, séparée à la naissance de ses parents, lit en off une sélection de lettres du dossier de la DDASS qui porte son nom. Sur la rigidité du langage administratif, elle monte de beaux plans fixes tournés en Ariège, où elle a grandi.

Entretien avec Noëlle Pujol, artiste et réalisatrice